vendredi 11 août 2017

Un dernier shoot de ferveur au temple de Mînâkshî à Madurai

Je suis bien content d'être arrivė à Madurai : c'est la dernière étape avant le Kerala, et probablement le dernier temple visité d'ici le Sri Lanka. Je vais bientôt changer de séquence : le Kerala, ce sera plus la nature, et tout de suite trois nuits d'affilée dans la même villa hôtel, dans un jardin avec vue sur la mer et tout. Des agréments auxquels je ne suis plus très habitué, contrairement à d'autres. Mais seront-ils suffisants pour arracher Anne aux respirateurs ?

Je suis tellement ému de bientôt quitter l'urbanisme survolté et agressif du Tamil Nadu que je monte sur le toit de l'hôtel pour prendre une dernière vue du croisement le plus proche : au delà de la circulation, on y voit une église catholique, un exemple parmi tant d'autres en Inde du Sud, et dans le fond la gare routière, un lieu où je me sens comme chez moi maintenant.



Madurai est une grande ville, comme Trichy, avec environ un million d'habitants. Elle est déjà passée à un stade de développement avancé, avec de nombreux immeubles, des centres commerciaux, de belles boutiques et des trottoirs souvent praticables, le tout côtoyant des quartiers plus informels, aux habitations basses et peu contôlées. Hier, la pluie lourde de la mousson a vite saturé les égouts, transformant certaines rues en piscines, et rendant la circulation des piétons encore plus hasardeuse. Imaginez-moi avec mon gros sac sautant au dessus des flaques pour rejoindre l'hôtel.

Le lendemain, je me dirige vers le temple, et je suis vite abordé, chemin faisant, par un Indien parlant un anglais potable. Il m'interroge sur ma nationalité, je lui demande s'il est guide. "Oh non, je vais juste au boulot". Ca c'est la partie rassurante. "Je suis tailleur en fait, mais c'est pas moi le patron". Il y a beaucoup de tailleurs autour du temple de Madurai, y compris dans un mandapa, une sorte de vestibule hypostyle situé avant l'entrée est du complexe religieux, où leurs machines à coudre sont alignées entre les colonnes sculptées et les empilements de rouleaux de tissu. Ils sont capables de reproduire n'importe quel vêtement en quelques heures.

Le tailleur m'accompagne le long du temple et montre sa boutique, me propose de rentrer, mais devant mon manque d'intérêt n'insiste pas. Je continue ma route jusqu'à l'entrée est où je dépose mes sandales. Le pourtour du temple et les pâtés de maison environnants sont entièrement piétons, ce n'est pas désagréable. Il y a même des panneaux encourageant les usagers à ne pas abîmer le lieu en jetant des détritus, et des poubelles. Cela faisait longtemps que je n'en avais pas vues. Il est vrai que sans système de ramassage des ordures et de recyclage des déchets, une poubelle c'est purement décoratif. Ce qui explique la préférence forcée des Indiens pour les décharges sauvages.



Mais revenons au temple de Mînâkshî, un avatar de Parvati, épouse de Shiva, ici sous sa forme de Sundareshvara (le beau seigneur). Les deux dieux ont chacun leur sanctuaire à l'intérieur du temple, celui de shiva étant plus grand que celui de Mînâkshî, pourtant figure tutélaire du lieu. C'est un temple très sacré pour les Hindous, et toujours populaire. Il a principalement été construit entre 1623 et 1660 à l'initiative de Nayak Tirumalay, même si les travaux avaient commencé soixante ans avant par les successeurs des Pandya. Je vais faire des pages sur ces deux dynasties, leur histoire est intéressante. Les Pandya ont subi des raids particulièrement sévères d'un sultanat turc installé à Delhi au XIVème siècle, notamment à Madurai qui fut assiégée, résista, mais dû négocier la remise de tous ses trésors pour éviter le saccage de la ville et le massacre des habitants. Il y a pourtant plein de mosquées en Inde du Sud, avec des appels à la prière comme dans les pays musulmans, et tout cela vit en bonne intelligence, contrairement au nord de l'Inde, où la situation est plus crispée.

A l'intérieur règne une ferveur extraordinaire, beaucoup de sculptures et de bas reliefs sont honorés. Ci-contre une représentation d'Hanuman, avec un collier de nombreuses prières accroché au pilier. Beaucoup d'Hindous s'arrêtent quelques minutes devant et prient.

Près du bassin sacré du lotus, s'ouvre l'entrée du sanctuaire de Mînâkshî, objet de la vénération des pèlerins, dont beaucoup sont habillés de jaune. Certains déposent une bougie votive, d'autres se prosternent ou se mettent à plat ventre sur le sol.


Je découvre petit à petit l'organisation complexe du temple et admire les plafonds peints des galeries entourant les sanctuaires intérieurs, dans lesquels les non Hindous ne peuvent pas rentrer. A proximité, il y a aussi un autel de Ganesha avec une statue du dieu à tête d'éléphant, bien replet (ci-contre une photo de Ganesha prise au temple de X), veillé en permanence par un prêtre qui gère les offrandes des dévots. Il est interdit de le photographier mais je peux au moins vous raconter son histoire familiale dramatique.


Ganesha est le fils de Parvati (rappelons que le couple divin n'a pas procréé ensemble de façon à ne pas déséquilibrer l'ordre du monde). Je cède momentanément la parole à Wikipedia. Shiva, rentrant d’une longue période de méditation dans l’Himalaya, trouva un jeune homme barrant la porte de sa maison pour l’empêcher d’entrer tandis que Pârvatî prenait son bain. Ce garçon était le fils que la (demi-)déesse s’était conçue, au moyen de la poussière et des onguents qu’elle avait raclés de sur sa peau, pour lui tenir compagnie durant sa solitude. Furieux de se voir interdire l’entrée de sa maison, Shiva sortit son épée et coupa la tête de son « fils » qui roula au loin et devint introuvable.

S’apercevant de cela, Pârvatî lui raconta toute l’histoire et, inconsolable, exigea qu’il redonne vie à son fils sur le champ. Shiva promit de remplacer la tête par celle de la première créature qui se présenterait, plus exactement par la tête du premier "enfant" hors de la vue de sa mère. Le premier être rencontré correspondant à cette description fut un éléphanteau dont la mère dormait en lui tournant le dos… Par cet acte, et bien que Ganesh ait été conçu sans lui, Shiva assume sa paternité.


D'autres en auraient conçu quelque rancœur, mais Ganesha est une bonne pâte. Il est le dieu qui supprime les obstacles, de la sagesse, de l’intelligence, de l’éducation et de la prudence, le patron des écoles et des travailleurs du savoir. Il est aujourd'hui très apprécié des Hindous.

Dans le musée abrité par la salle aux milles colonnes, on trouve des sculptures sur ivoire érotiques, et cette fois-ci j'ai pu faire une photo, bande de vicieux.


Pour la vision d'Anne sur le même lieu, c'est par ici.