lundi 7 août 2017

Trajet sonorisé vers Chidambaram

Pondichéry m'a un peu permis de recharger mes batteries et je vais en avoir besoin pour affronter ce qui m'attend, à savoir un trajet plutôt long vers Chankipuram, avec une halte à Chidambaram, ville assez quelconque dans laquelle a cependant été construit un temple consacré à Shiva, sous sa forme dansante.

En quittant Pondichéry, j'observe énormément de grands panneaux publicitaires, dont je me demanderai un certain temps s'ils sont à vocation politique ou spirituelle. En pratique pour l'essentiel ils glorifient des gourous et des ashrams. Généralement il y a la photo du gourou originel en grand, accompagné de ses successeurs, et de toute une série de médaillons présentant une vingtaine de membres actifs (je suppose).

Un homme portant des lunettes noires et couvert d'une chapka blanche bénéficie d'une forte couverture médiatique : il a même des statues dorées à son effigie dans certains villages. Il y en a un autre mis en scène à moto. Malheureusement je ne parviens pas à prendre une photo, cela va trop vite, sauf à ce feu rouge.

Mon bus est cette fois-ci équipé d’un écran de télévision sur lequel vont être diffusés plusieurs DVD de clips de musique indienne, assez fort. Il y a presque systématiquement deux chanteurs : un homme et une femme, celle-ci ayant la voix haut perchée. Les deux se répondent autour d’une rencontre amoureuse évidemment. Cela ne va pas tout seul, la femme peut être espiègle et résister, mais il y a souvent un moment où l’homme lui arrache un vêtement voire la presse un peu vivement, sans qu’elle s’y oppose. Voilà qui ne rassure pas sur la place de la femme dans la société indienne, toujours pas très enviable malgré certains progrès.

Tout est chorégraphié de façon élaborée, souvent avec de nombreux danseurs, ce qui fait ressembler le clip à un extrait de comédie musicale. L’un deux avait été tourné dans une ambiance médiévale, et la reconstitution historique faisait ressentir une débauche de moyens financiers.

Peut-être le chauffeur était-il survolté par la musique, mais j’ai eu l’impression qu’il prenait plus de risques que les autres. Situé derrière lui, je me suis vraiment demandé comment nous allions passer parfois, j’imaginais déjà les morceaux d’une famille indienne voyageant à motocyclette (la femme en amazone dans son sari, avec un bébé serré contre elle, l’homme avec un enfant plus grand devant lui) projetés en désordre contre le pare-brise, mais cela n’est pas arrivé. Je ne me suis pas toujours senti très bien.

Le chauffeur utilisait un klaxon à deux tons pour informer les obstacles sur la route : deux coups brefs pour indiquer qu’il doublait ou prévenir, un grand coup de trompe modulé pour faire dégager quand cela ne passait pas.



En fait il y a trois principes de conduite à connaître :

  • freiner est un drame car on ne récupère la vitesse de croisière que lentement : on n’utilisera ce recours qu’en dernière extrémité
  • le véhicule ayant l’énergie cinétique la plus élevée a la priorité, quelle que soit sa situation par rapport au code de la route
  • klaxonner permet de téléporter la plupart des obstacles

Tout ceci n’empêche pas les chiens de dormir au milieu de la route, ou les vaches de brouter les quelques herbes poussant sur une séparation de chaussée : peu réceptifs au klaxon, les animaux sont les seuls à pouvoir faire freiner les conducteurs, qui évitent de les écraser pour préserver leur karma.